Gainst death, and all oblivious enmity
Shall you pace forth…
Shakespeare, Sonnets, 55
à Jacques Réda
1.
J’ai sur ma table un bouquet de pervenches
qui commence à pâlir… on en trouvait
à profusion dans la forêt dimanche
(parfois, c’est comme si rien n’entravait
le cœur, on entretient l’oubli… n’empêche
que tout s’impose avec le temps, le mur
enfin s’effondre, la fleur se dessèche
et l’amour se pourrit comme un fruit mûr)
je te confie ce bouquet de langage
emporte-le sur les chemins où tu
situes la crête et qu’afin de partage
il y résonne autant que je l’ai tu
la pâleur j’y consens, que soit diaphane
ce qui doit l’être et que le reste fane.
2.
Dis-moi ce que tu vois de ta fenêtre
quand tu m’écris… moi je n’ai que des toits
et du grand ciel, à l’image peut-être
de ma vie maintenant qu’il y a toi
pour la lumière, il faut encore attendre
c’est à mi-mai qu’elle entre et mange un coin
de mon bureau… le souvenir est tendre
mais la lumière est loin, et toi plus loin
encore, à qui chaque ligne s’adresse
pourtant, qui me rends les mots lumineux
malgré l’angle des toits, l’ombre qui blesse
le temps qui forme et qui défait les nœuds
j’ai les toits le grand ciel, comme un poème
est l’adieu provisoire à ce qu’on aime.
3.
On se construit un abri provisoire
près du glacier, sur le chemin des vents
on a laissé tous les ruisseaux pour boire
dans la vallée, tu as moitié rêvant
repris ton dialogue avec la neige
il n’y a que les sommets autour de nous
l’assaut du vent qui parfois nous allège
souvent nous force à tomber à genoux
ce qui nous vient alors comme prière
ne s’adresse qu’au froid et qu’à la nuit
j’ai la chaleur en moi, toi la lumière
l’envie de vivre un démon qui nous suit
le désir de chanter nous dépossède
de nous, ce qui faisait obstacle cède.
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Durch tod und allvergessenden verdruss
Gehst du hindurch…
Shakespeare, Sonette, 55
für Jacques Réda
1.
Der Strauß mit Immergrün bleicht allzu balde
Auf meinem Tisch… Man findet allerwärts
Des Sonntags noch viel mehr davon im Walde
(Zuweilen ist es, als ob nichts das Herz
Beschwert; man pflegt Vergessen… Doch auf Dauer
Wird alles durch das Schicksal heimgesucht:
Die Blume trocknet, es verfällt die Mauer,
Und Liebe fault wie eine reife Frucht).
Wenn ich dir diesen Strauß der Sprache bringe,
Nimm ihn und stelle ihn mitsamt Gefäß
Auf deinen Wegen ab; vom Erbteil klinge
Es dort noch, während ich verstummt indes.
Erlaubt und durchscheinend sei dort die Blässe;
Sie möge währen, und der Rest verwese!
2.
Den Fensterausblick von dir wiedergeben
Mag mir dein Brief… Nur Dächer habe ich
Und hohe Himmel, die nunmehr mein Leben
Abbilden; doch als Licht gibt es nur dich
Darin, wofür zu warten man gezwungen:
Es kommt erst Mitte Mai, frisst einen Teil
Meines Büros… Zart sind Erinnerungen,
Das Licht indes ist fern und du derweil
Noch ferner und doch Ziel von all den Sätzen,
Zumal du mir lichtvolle Worte lässt
Trotz Dachwinkel und Schatten; sie verletzen
Die Zeit, welche die Knoten knüpft und löst.
Und Dächer, hohe Himmel sind Gedichte,
Womit vorerst auf Liebstes ich verzichte.
3.
Man baut sich eine vorläufige Hütte
Auf einer Windschneise am Gletschersaum,
Und ob der Bach uns auch Trinkwasser biete,
Ließ man ihn in dem Tale. Halb im Traum
Hast du das Zwiegespräch mit Schnee erneuert;
Nichts als nur Gipfel gibt es um uns her.
Stürmischer Wind, der manchmal uns befeuert,
Zwingt häufig in die Knie uns nunmehr.
Was an Gebeten in unsrem Besitze
Richtet an Kälte und an Nacht sich nur;
Du hast das Licht in dir und ich die Hitze,
Ein Dämon – Lebensgier – folgt unsrer Spur.
Von unsrem Selbst befreit uns Lust am Singen,
Wobei sämtliche Hemmnisse vergingen.
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